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La Défense: en 2018, une navette autonome; en 2021, un atelier de réparation de vélos.

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Plus utile, meilleur pour la santé, et beaucoup moins coûteux pour les finances publiques. En 2018 encore, sur le parvis de La Défense, juste derrière la Grande Arche, trônait, à côté du container lui servant de garage, une navette autonome du constructeur Navya, affrétée par le transporteur Keolis. En avril 2021, au même endroit, le minibus vide a disparu, et le container a été transformé en atelier de réparation de vélos, confié à l’entreprise Cyclofix.

La ville change en mieux. Voilà comment, de nos jours, change la ville, et ce n’est pas toujours pour le pire, la preuve. Il y a trois ans, deux navettes autonomes, inaugurées par une ribambelle d’élus enthousiastes en juin 2017, arpentaient le parvis du quartier d’affaires des Hauts-de-Seine les jours de semaine. Le service, qui proposait deux parcours de quelques centaines de mètres au milieu des tours d’acier, constituait une « expérimentation » destinée à tester ce type de véhicule dans une « situation réelle », c’est à dire au milieu des nombreux piétons qui déambulaient, à la fin des années 2010, sur la dalle de La Défense.

Au moment de l’inauguration de ces navettes, les superlatifs pleuvaient. La présidente de la région, Valérie Pécresse, saluait « une expérimentation inédite à l’échelle mondiale ». La presse s’enthousiasmait pour la « bouille sympathique » du véhicule qui préfigurait « l’avenir de la mobilité ». Malheur à celui qui osait questionner le coût d’une telle expérimentation au regard de son utilité réelle.

Bilan désastreux. Mais, après deux ans d’allées et venues poussives, la démonstration avait tourné cours. Il faut dire que le bilan était désastreux. Le minibus circulait à vitesse réduite et stoppait net à chaque fois que ses capteurs lui signalaient un obstacle, un être humain, ou parfois un malheureux pigeon. Les événements qui se déroulaient régulièrement sur le parvis, marché de Noël, scènes musicales, sans parler des food trucks, formaient autant d’entraves.

Le passage en autonomie complète, c’est à dire sans employé à bord, n’avait jamais abouti, en raison, officiellement, d’une mauvaise connexion s’expliquant par un « effet canyon urbain » entre les hautes tours du quartier d’affaires. Si les véhicules ont transporté « 45000 personnes en 15 mois », cela ne fait en moyenne que 150 par jour ouvré. En pratique, passée la curiosité des débuts, la navette restait souvent vide.

7€ par trajet de quelques centaines de mètres. Ile-de-France mobilités (IdFM), l’autorité en charge des transports dans la région, y a tout de même laissé 300000€, soit près de 7€ le trajet! Enfin, comme l’ont rapporté plusieurs usagers de La Défense, les véhicules, bourrés de métaux et de capteurs, très lourds, avaient détérioré les dalles du parvis. En juillet 2019, l’établissement public administrant La Défense tirait la conclusion de ce flop en mettant au rebut les deux navettes.

Depuis janvier dernier, dans le gros container argenté qui servait de garage aux minibus de Navya, les réparateurs de Cyclofix changent des roues, graissent des pédaliers, resserrent des freins, plongent dans la complexité des moteurs électriques. L’établissement public de La Défense a lancé un appel d’offre à l’été 2020 et cette start-up, qui a lancé une activité de réparations de vélo à domicile en 2016, a été sélectionnée. C’est le premier atelier sédentaire de Cyclofix.

Lire aussi: J’ai testé la réparation de vélo à domicile (mai 2016)

Ainsi, la ville change, et pour une fois, les autorités qui sont en charge de son administration ont décidé d’accompagner les usages. Il faut dire que le vélo apparaît, davantage encore depuis le début de l’épidémie, comme une manière de se réapproprier ses déplacements, ses loisirs, ses vacances. A l’inverse, on n’a jamais vu des centaines de milliers de personnes se réjouir, tous les matins, de monter dans une navette autonome pour aller au travail, ni s’extasier à l’idée de passer leurs vacances dans un de ces véhicules.

Lire aussi: Plongée iconoclaste dans le monde merveilleux de la mobilité du futur (juin 2017)

Subventionner la sédentarité, une idée monstrueuse. Plus que jamais, les citadins ont envie et besoin de bouger, surtout si, comme la plupart des salariés de La Défense, ils passent leurs journées assis face à un écran. L’idée consistant à subventionner massivement leur sédentarité apparaît rétrospectivement comme monstrueuse.

Et c’est pourtant ce qu’IDFM continue à faire, à Saint-Quentin-en-Yvelines, comme l’explique Mathieu sur Twitter: « La navette effectue 64 A/R par jour ouvré. En supposant qu’elle soit pleine (11 voyageurs) à chacun de ses trajets, elle transportera au maximum ~358 000 voyageurs par an. Coût pour la collectivité par voyageur par trajet : 3,35€ (au minimum). Pour faire 750 mètres (au maximum). »

Désormais, 13% des salariés qui, les jours où ils ne télétravaillent pas, se rendent à La Défense, utilisent régulièrement le vélo, contre 8% avant 2020. Depuis mai dernier, une « coronapiste«  a été tracée le long du pont de Neuilly, facilitant les échanges avec Paris, ainsi que le long du boulevard circulaire de La Défense, offrant un itinéraire futuriste au cœur même de la skyline. Un trajet étourdissant comme n’en offriront jamais les voitures électriques, autonomes ou pas.

Olivier Razemon (l’actu sur Twitter, des nouvelles du blog sur Facebook et de surprenants pictogrammes sur Instagram).

 

 

 

 

 

 

 


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